ASBL ET SURVIE FINANCIÈRE : COMMENT RESTER FIDÈLE À SES VALEURS ?

Publié le 26 septembre 2025 dans Financement


Gérer une ASBL, c’est souvent marcher sur un fil :

  • d’un côté, les valeurs qui fondent le projet,

  • de l’autre, les réalités politiques, administratives et financières qui conditionnent sa survie.

Dans cet espace de tension naissent les dilemmes éthiques.
Accepter un financement aux conditions discutables ? Répondre à un appel à projets éloigné de la mission ? S’aligner (ou non) sur les priorités d’un pouvoir subsidiant ? développer des activités lucratives ? marchandiser des biens et/ou services ? Ces choix ne sont jamais simples.

REVENIR AUX FONDAMENTAUX : LES VALEURS

Les textes fondateurs sous-jacent aux projets associatifs ne sont pas de simples documents administratifs. Ce sont des boussoles vivantes. Les relire collectivement (en équipe ou en Conseil d’Administration) aide à vérifier si une décision reste fidèle à la mission.

Exemple : une association environnementale qui envisage un partenariat avec une entreprise énergétique doit se demander : ce choix va-t-il renforcer ou affaiblir sa crédibilité ?

ÉVALUER LES RISQUES...À PLUSIEURS NIVEAUX

Un choix financier n’a pas que des impacts budgétaires. Il influence aussi la culture interne, la réputation, la confiance des partenaires.

Refuser un financement peut fragiliser à court terme, mais protéger la cohérence à long terme. À l’inverse, accepter des conditions trop éloignées de la mission peut générer des tensions identitaires ou réputationnelles.

Exemple : certaines ONG ont refusé des subsides liés à des politiques migratoires jugées contraires à leurs valeurs. Résultat : moins de moyens financiers, mais un renforcement de leur crédibilité auprès de leurs publics.

ACTIVITÉS LUCRATIVES : MENACE OU OPPORTUNITÉ ?

On entend souvent que l’ASBL devrait rester « hors marché ». Mais le Code des sociétés et des associations (2019) est clair : une ASBL peut exercer des activités économiques, à condition que les bénéfices soient réinvestis dans son objet social, et que cela s'inscrive dans les logiques mises en avant dans les statuts.

La vraie question n’est donc pas : « Peut-on gagner de l’argent ? »
Mais : « Gagner de l’argent pour quoi faire ? »

Lorsqu’une activité lucrative reste un moyen et non une finalité, elle peut être un puissant levier :

  • pour renforcer l’indépendance financière,

  • pour diversifier les ressources,

  • pour donner plus de cohérence au projet.

Exemple : une ASBL d’insertion socioprofessionnelle qui crée une activité de recyclage électronique ne trahit pas sa mission. Elle la déploie de manière concrète et visible.

MARCHANDISER DES BIENS ET SERVICES : UNE DÉRIVE ? 

Former, publier, vendre, facturer… ce qui est parfois vu comme de la « marchandisation » peut en réalité :

  • prolonger la mission (ex. une ASBL santé qui propose des formations payantes à des professionnels),

  • renforcer l’impact (ex. une association culturelle qui vend des produits dérivés pour financer des spectacles accessibles),

  • garantir l’autonomie (moins de dépendance aux subsides, plus de liberté stratégique).

Le risque n’apparaît que si la logique de marché prend le dessus : quand l’association devient une entreprise déguisée et oublie ses bénéficiaires. Tant que les activités payantes restent alignées sur l’objet social, elles participent à l’identité et la force du projet.

CRÉER DES ESPACES DE RÉFLEXION

Un dirigeant ne peut pas porter seul ces arbitrages. Organiser des espaces de débat (réunions d’équipe, comité éthique, CA) est indispensable, afin de permettre de :

  • Croiser les points de vue,

  • Définir ensemble ce qui est un compromis acceptable et ce qui constitue une « ligne rouge »,

  • Développer une culture partagée de l’éthique associative.

COMMUNIQUER DE FAÇON TRANSPARENTE

Expliquer pourquoi une décision a été prise, quelles limites ont été fixées, quels compromis ont été faits, renforce la confiance des équipes et des partenaires.

Une décision, même imparfaite, sera mieux comprise et par conséquent potentiellement acceptée, si elle est expliquée.

RÉÉVALUER RÉGULIÈREMENT

Aucune décision n’est définitive. Un partenariat ou une activité peut être interrompu s’il n’est plus cohérent avec la mission.
Cette capacité à ajuster fait partie intégrante de la maturité d’une ASBL.

EN CONCLUSION : VOIR LES DILEMMES COMME DES OPPORTUNITÉS

Les dilemmes éthiques sont inévitables dans la vie associative. Mais plutôt que de les craindre, on peut les voir comme des occasions de renforcer la cohérence et la légitimité.

Développer des activités lucratives, marchandiser certains biens ou services, ce n’est donc pas une "trahison". Tant que l’argent reste un outil au service du projet, il peut devenir un levier puissant pour donner plus d’impact aux valeurs de votre projet. 


POUR ALLER PLUS LOIN : (SOURCES)

  • Code des sociétés et des associations (2019), Belgique.

  • Fondation Roi Baudouin, Bonnes pratiques de gouvernance associative, 2021.

  • Chantal Engrand, Éthique et associations : entre valeurs et contraintes, Chronique Sociale, 2017.

  • Éric Dacheux & Daniel Goujon, L’économie sociale et solidaire : une autre manière d’entreprendre, La Découverte, 2012.

  • Jacques Defourny & Marthe Nyssens (dir.), Économie sociale et solidaire : enjeux théoriques et politiques, De Boeck Supérieur, 2017.